Le livre présente une galerie de 45 portraits dessinés par le génial Gusti, illustrateur argentino-espagnol et auteur multiprimé de nombreux livres et albums traduits dans le monde entier. Réalisés au stylo-bille de couleur sur un cahier d’écolier à carreaux ou à lignes à la manière de dessins enfantins, ces portraits sont colorés, irrévérencieux, absolument et délicieusement « incorrects », tant du point de vue d’une norme de dessin académique que selon des standards de tact ou convenance, puisqu’ils s’attachent à montrer, épingler et grossir des traits ou caractéristiques physiques réputés moches ou disgracieux. Chaque visage est accompagné d’un vers ou deux du long poème de Lola Casas rythmé par la phrase « Tu peux avoir… » en prélude à une énumération drôle et rimée jouant sur des associations cocasses.
Mais ces personnes sont-elles vraiment laides ? Bien sûr, les points d’interrogation dans le titre mettent déjà sur la piste… Mais c’est devant chacun des portraits de Gusti – l’un avec sa bouche caverneuse et baveuse, l’autre ses cheveux filasses, sa peau comme une figue ratatinée, ses yeux qui regardent ici et là en même temps, ses boutons comme des fourmis frites ou son nez en patate écrasée… – que la réponse se fait de plus en plus claire : chaque personne représentée a son propre charme, déborde de couleur, d’espièglerie ou de tendresse. C’est notre ami, notre petite sœur ou notre oncle, notre cousin ou notre voisine, et pourquoi pas celle ou celui que l’on voit dans le miroir ? Et si ces visages étaient simplement magnifiquement particuliers et particulièrement beaux ?
¿Feos y feas? se termine par une citation de Roald Dahl, qui est tout à la fois la synthèse et le point de départ de ce catalogue : « Une personne qui a de bonnes pensées ne peut jamais être laide. Tu peux avoir un nez de travers et une bouche tordue, un double menton et des dents de lapin, si tu as de bonnes pensées, elles brilleront sur ton visage comme des rayons de soleil et tu seras toujours une personne charmante. »
En prolongation, cet album d’une infinie tendresse invite chaque lecteur – du plus petit au plus grand – à se débarrasser des préjugés sur la perfection pour explorer la beauté dans ce qui se voit et ne se voit pas à première vue, à prendre ses stylos pour esquisser des portraits (ou autoportraits) et dessiner avec la spontanéité du regard et du geste d’un dessin d’enfant.