Née à Valence, en 1972, Barbara Blasco a exercé divers métiers très éclectiques (vendeuse, danseuse de cabaret comme Colette, assistante d’un mage, etc ), avant de faire des études de journalisme et de cinéma. Elle a écrit les romans Suerte (2013), La memoria del alambre (2018) et Dicen los sintomas (2020) qui lui ont valu une grande reconnaissance et actuellement elle collabore à El Pais, Las Provincias et anime des ateliers d’écriture. La memoria del alambre a été publié dans la prestigieuse collection « Andanzas « aux éditions Tusquets.
La narratrice, personnage principal de l’histoire avec son amie intime Carla, raconte les faits à la première personne et évoque d’une part son attachement à Carla (souvenirs d’enfance, même goût de la musique) et son passage de l’enfance à l’adolescence, voire à l’âge adulte.Elle chante dans un orchestre miteux qui sillonne l’Espagne, se déplaçant de villages en villages peu peuplés de la Meseta dont elle dit chaque fois le nombre d’habitants (peu) et l’altitude (assez basse). Il s’agit d’un monde intermédiaire dont elle évoque les traits distinctifs, les joies et les peines dans sa recherche d’une tendresse qui lui échappe toujours. Il ne lui est pas facile de trouver un socle qui la mette à l’abri de l’adversité. On pense à des équivalents français, Le Blé en herbe de Colette et Le Diable au corps de Radiguet, la violence des rapports humains en plus. Mais l’époque actuelle est ici encore plus instable, avec des musiques anglo saxonnes qui incitent à la destruction et à l’autodestruction, une Espagne postmoderne qui fait table rase de tout passé.
Le roman nous permet de nous déplacer dans une Espagne rurale qui n’est pas vieille pour autant, assoiffée de nouveautés et de rythmes venus d’ailleurs, notamment du monde anglo-saxon, qui renvoient à la Préhistoire le vieux costumbrisme espagnol. Tout finit très mal, Carla est renversée par un train, laissant à découvert une énigme qui ne sera jamais élucidée. A-t-elle eu des rapports incestueux avec son père ? La fin dramatique, mais pas mélodramatique du roman, nous incite à la relire pour en saisir toutes les nuances poétiques. Le style est agile, convulsif, jamais morbide, malgré la crudité du sujet traité. L’ensemble touche à une sorte de perfection littéraire en exhumant des zones inconnues de la vie espagnole, enfouies sous le bataclan de la post-modernité et mérite largement d’être traduit et publié en France par un éditeur avide de sensations nouvelles.