Pedro Blanco, alias el Mongo Blanco, l’Empereur de Gallina, en Sierra Leone, a été un des plus grands négriers du XIXe siècle avant l’abolition tardive de l’esclavage à Cuba. Mais il est vieux à présent, et relate sa vie au docteur Castells, enfermé dans un asile à Barcelone. Le bon docteur est là pour étudier sa folie, ses excès en tous genres, mais Blanco ne lui raconte que ce qu’il veut. Au fils d’entretiens rythmés par les questions de l’homme de médecine qui s’intéresse à l’âme humaine et d’évocations à la première personne, la vie de cet individu (qui a existé) se déroule sous les yeux des lecteurs.
Il naît à Malaga d’un père militaire et d’une mère d’une beauté extraordinaire, étudie chez les jésuites jusqu’à la mort de son père. Lettré, peau blanche, cheveux noirs et yeux verts, il a tout pour plaire, mais il est dépravé (« Beau jeune homme de l’extérieur, j’étais vicieux et tordu de l’intérieur »). Très vite, pendant les guerres napoléoniennes, il va retrouver des soldats et les sodomise dans la rue après quelques attouchements. Il a aussi une liaison incestueuse avec sa sœur Rosa, son « seul amour», confie-t-il à Castells. Plus tard, lorsque sa mère se met à la colle avec un pêcheur qu’il ne supporte pas, il part pour Cuba. Il a décidé qu’il serait capitaine de bateau. De Cadix, il embarque pour Gênes, puis La Havane, et commence à participer à la traite des Noirs sur les côtes africaines. Il rencontre l’Anglais Reeves, qui fait commerce d’esclaves d’un genre particulier : beaux étalons de sexe masculin et féminin pour les accoupler avec des Européens aux yeux clairs et obtenir ainsi ses filhas, de magnifiques femmes traitées comme des reines et vendues pour devenir les concubines de personnages fortunés. Un jour, Pedro accompagne une de ces beautés chez un riche négrier de La Havane, don Joaquín, qui lui conseille d’aller se roder en Afrique, puis de le recontacter quand il aura de l’expérience. Vexé, Blanco suit cependant son conseil. Il s’aguerrira en capturant des hommes en Guinée, au Bénin et en Sierra Leone, en faisant commerce d’humains avec les rois de ces régions, rencontrera Cha-cha, le mulâtre brésilien richissime, qui le mariera avec une de ses filles, Elvira. Il organisera des massacres, n’hésitera pas à éliminer certains Anglais qui le gênent, construira un palais dans une région où, « si ce n’est pas le mulâtre qui te tue, c’est la malaria ou l’alcool qui t’achève ». Il lit pour ne pas devenir fou, retourne à La Havane, épouse sa prude cousine, sort sa sœur du couvent, lui fait une fille, la prunelle de ses yeux. De retour en Espagne, il se lance sans succès dans la politique et finit à l’asile. Le docteur Castells l’interroge obstinément sur des documents dont sa fille aurait besoin. À la fin du roman, il assassine le bon médecin, découvre que c’est sa fille qui est derrière tout ça. Elle lui avoue qu’elle le déteste et le laisse, hagard, méditer sur une vie qu’il a considérablement enjolivée dans son récit au médecin.
L’histoire passionnante d’un négrier qui a existé et s’adresse de manière « thérapeutique » au médecin qui le soigne. Sa folie est-elle feinte ? C’est fort possible tant il s’amuse à brouiller les pistes tout en se racontant. La plume de Carlos Bardem nous plonge avec efficacité dans un récit terrifiant et presque cinématographique, au point qu’une série est en préparation.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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