Après des études littéraires et une spécialisation en russe, Cécile Térouanne a rejoint l’édition d’abord à travers la traduction. Chez Actes Sud Junior, puis chez Flammarion, elle fait ses premières armes d’éditeur de littérature pour la jeunesse, avant de devenir directeur éditorial du Livre de Poche Jeunesse chez Hachette en 2004. Elle dirige désormais le département Hachette Romans/Livre de Poche Jeunesse qui publie près de 200 titres par an.
• Quelles sont les caractéristiques de l’édition jeunesse en France, comment évolue le secteur?
C’est un des secteurs les plus dynamiques de l’édition française, qui voit arriver chaque année de nouveaux intervenants. C’est donc aussi un secteur extrêmement concurrentiel.
• Est-ce que la publication de littérature pour enfants progresse en France actuellement?
Oui, en nombre de titres ! Les ventes, elles, se maintiennent honorablement alors que d’autres secteurs de l’édition souffrent davantage.
• Que lit-on quand on a entre 10 – 14 ans ? Comment l’éditeur parvient-il à capter l’attention de ses lecteurs?
Les lectures sont extrêmement variables à cette période charnière de la sortie de l’enfance et du passage à l’adolescence : romans fantastiques aussi bien qu’historiques, fictions réalistes ou imaginaires, BD, mangas, documentaires, témoignages… Récemment, on voit émerger une nette tendance aux romans illustrés, dans la lignée du JOURNAL D’UN DEGONFLE, remarquablement décliné en Espagne par Bono Bidari et son irrésistible ELVIS, que nous publions en 2014 en langue française.
• Les jeunes lisent de moins en moins. Est-ce le cas en France ? Les maisons d’édition, ont-elles des instruments qui visent à promouvoir la lecture dans cette tranche de la population ?
Certes le nombre de « grands lecteurs » va diminuant. Les maisons d’édition sont toutes mobilisées pour rester en contact avec leur public, par l’intermédiaire des libraires et des enseignants, de la presse mais aussi des réseaux sociaux, puisque les jeunes sont de plus en plus connectés, et ce de plus en plus tôt.
• Après des phénomènes de société comme « Le journal d’un Vampire » ou « Twilight », le roman Young Adult est-il en perte de vitesse en France ?
Il est vrai que le phénomène TWILIGHT (6 millions d’exemplaires vendus en France, et 120 millions dans le monde) n’a pas été égalé. Mais les sagas JOURNAL D’UN VAMPIRE, et ensuite HUNGER GAMES comme aujourd’hui DIVERGENTE, ou dans un tout autre genre un titre unitaire comme NOS ETOILES CONTRAIRES, montrent que le public reste bien présent et… gourmand ! Toutefois comme l’offre s’est énormément élargie, et non la taille des portes-monnaies !, les ventes se repartissent sur un plus grand nombre d’ouvrages, et sont moins spectaculaires… jusqu’au prochain super-mega-seller !
• A quelle tranche d’âge s’adresse Black Moon, quelles sont les particularités de cette ligne éditoriale?
Black Moon s’adresse aux lecteurs avides d’émotions à partir de 13-14 ans. La collection aura 10 ans en 2015, et nous maintenons un rythme de 20-25 nouveautés par an.
• Quel est le rythme de sortie des parutions chez Hachette Jeunesse?
Le département Hachette Romans, qui inclut les marques Black Moon et Bloom, publie environ 100 titres inédits en grand format par an. Parallèlement, le département voit le catalogue du Livre de Poche Jeunesse s’enrichir aussi d’une centaine de titres par an, issus de catalogues de grands formats, mais aussi avec des inédits directement publiés au format poche.
• Quel pourcentage de publications chez Hachette Jeunesse correspond à des livres traduits? Et celui des œuvres en espagnol?
Je parle donc ici de Hachette Romans (et non Hachette Jeunesse, qui englobe d’autres départements éditoriaux : Gautier Languereau/Deux Coqs d’or ; Licences/Bibliothèque Rose et Verte ; Hachette Jeunesse Disney).
Sur la centaine de titres inédits que nous publions chaque année, 75-80% sont des traductions (il y a cinq ans, c’était 90%). Sur ces 75-80 titres, nous sommes fiers en 2014 de compter quelque 5 nouveautés espagnoles. Cela n’était pour ainsi dire jamais arrivé, et c’est lié bien sûr à la qualité des propositions que nous avons reçues des pays hispanophones, mais aussi au dynamisme d’une des éditrices de l’équipe Hachette Romans, Isabel Vitorino, qui s’est plongée dans la veille du marché hispanophone, perfectionne sa maîtrise de la langue, et choisit des projets issus de ces pays plutôt que du monde anglo-saxon. Je suis ravie de l’encourager et l’accompagner dans cet élan !
• Concernant le choix des manuscrits, quel est le procédé de sélection?
Chaque éditrice (le département en compte 3, plus moi qui dirige l’ensemble et apporte aussi des projets à part entière) me propose les ouvrages qu’elle a trouvés et fait lire/lus. Nous en parlons ensemble, nous partageons ensuite cela avec la directrice du marketing et notre contrôleur de gestion, et nous statuons. Le département Hachette Romans bénéficie d’une réelle autonomie dans ses décisions : nous pouvons donc prendre des risques, mesurés et encadrés !, en toute liberté et conscience.
• Dans le cas d’une traduction, le choix d’une publication suit-il des paramètres différents? Quelles sont les démarches et qui sont les intervenants?
Pour s’engager envers un projet/un auteur en langue étrangère, nous avons besoin de lecteurs/traducteurs de confiance, bien sûr, mais avant cela d’un échange régulier et transparent avec l’éditeur/l’agent. C’est ce lien qui peut nous faire prendre une décision favorable et acquérir un texte/une série, plus sûrement même que l’annonce de ventes spectaculaires ou la promotion d’un auteur dont on n’a jamais la certitude qu’elles pourront « traverser les frontières ».
• Quelle est la présence actuelle et l’évolution dans le temps de la littérature Enfant-Jeunesse en espagnol chez Hachette?
Comme mentionné plus haut, les compétences et le dynamisme d’une éditrice nous a permis de nous lancer dans plusieurs projets, et il y en d’autres sous le coude d’Isabel Vitorino !
• Quelle tranche d’âge est le plus ciblée par les auteurs espagnols?
Les auteurs espagnols semblent présents sur toutes les tranches d’âge du marché jeunesse/ado, et j’en veux pour preuve le fait que nous publions cette année deux séries, IO ELVIS qui vise les 8-10 ans, et et TATUAJE, destiné aux 13+.
• Les œuvres en espagnol, ont-elles des caractéristiques spéciales par rapport à la production française dans les différentes tranches d’âge concernées?
Bien sûr il y a une couleur propre à chaque texte/série/auteur, mais nous sélectionnons les titres que nous publions aussi parce qu’ils s’insèrent dans notre ligne éditoriale propre.
• Comment les auteurs espagnols peuvent-ils se faire une place chez Hachette en général ou chez Black Moon en particulier?
En étant promus par des éditeurs/agents compétents et fiables.
• Quel est votre positionnement par rapport à la lecture sur support numérique ? Les nouveaux médias peuvent-ils, d’une certaine manière, favoriser les traductions via le e-book?
Je considère le format numérique comme un format, justement, qui permet de faire circuler un livre d’une nouvelle manière. En termes de communication, il est certain que la présence d’un auteur/d’une série sur le web, les initiatives de communication via les réseaux sociaux type Facebook, Twitter, Instagram etc. peut aider à une meilleure notoriété préalable. Il n’en reste pas moins qu’au final, c’est la qualité du texte, l’originalité du récit, qui feront la décision !
• Pouvez-vous nous donner un conseil pour les éditeurs espagnols jeunesse qui désirent s’introduire en France?
Ayez confiance et donnez confiance !
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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