Les éditions Passage du Nord Ouest, ce sont trois personnes : Pierre-Olivier Sanchez, Georges Bourgueil, et Ingrid Pelletier. Le catalogue, mis à part les romans baroques, ne comporte que des textes étrangers. Les auteurs sont donc mexicains, argentins, guatémaltèques, espagnols, portugais…
Comment sont nées les éditions Passage du Nord-Ouest?
Le Passage du Nord-Ouest est né de la rencontre de deux libraires de L’Écume des pages, Ingrid Pelletier et Georges Bourgueil. Il y a douze ans maintenant, chacun avait en tête d’éditer un texte qui lui tenait à cœur, Ce que dit Molero du Portugais Dinis Machado pour Ingrid, Georges souhaitant quant à lui rééditer Le Parnasse des poètes satyriques, recueil de poèmes gaillards du XVIIe siècle indisponible depuis la dernière publication qu’en fit Poulet-Malassis – l’éditeur de Baudelaire – à la fin du XIXe. Je ne suis arrivé que plus tard, lorsqu’il fallut concrétiser ces projets.
Vous avez-vous-même traduit les œuvres de Vila-Matas, était-ce votre première expérience en tant que traducteur ? L’avez-vous réitérée ?
Après un début en fanfare et le succès critique de ces deux premiers livres, notre volonté de poursuivre avec deux collections, l’une consacrée à la littérature baroque, l’autre à la littérature étrangère contemporaine, s’est affermie. Nous étions lecteurs des romans d’Enrique Vila-Matas et le connaissions personnellement. Enrique nous a confié trois textes, son tout premier roman, La Lecture assassine, et deux recueils d’essais, Pour en finir avec les chiffres ronds et Mastroianni-sur-Mer. Nous lisons l’espagnol et le portugais aussi, logiquement, l’envie m’est venue de traduire ces œuvres. C’était une première pour moi qui me permit de vivre de l’intérieur les affres de la traduction. La traduction est sans conteste la discipline la plus exigeante – je connais des traducteurs qui s’enferment dans leur cave des semaines entières, sans moyens de communication, pour ne faire qu’un avec l’œuvre originale -, la plus dure de l’édition. Je n’ai pas réitéré par manque de courage sûrement, trop paresseux aussi.
Votre catalogue est le reflet d’une exigence particulière ? Quel est dans votre catalogue le poids de la littérature étrangère ? Quel est le pourcentage des livres traduits par rapport au total des titres publiés ?
L’exigence d’un catalogue n’est que le reflet d’une exigence de lecteur, ce qu’est et reste un éditeur (j’ose l’espérer). Les textes que nous décidons de publier doivent nous emmener loin, dans la forme et dans le fond. Ce doit être à chaque fois un nouveau voyage, une nouvelle expérience au regard de ce que nous avons déjà lu, de ce que nous portons. En ce sens, nous exigeons. Et donc, là aussi, logiquement, la littérature étrangère traduite représente 80% du catalogue.
Et sur le total des traductions, quel est le pourcentage de livres traduits de l’espagnol ?
Les ouvrages traduits de l’espagnol représentent environ 50% des 52 livres publiés en dix ans. L’Espagne, le Mexique, l’Argentine, Cuba et le Guatemala sont au catalogue. Rien que pour l’Espagne nous comptons sept écrivains: Juan Benet, Antonio Orejudo, Enrique Vila-Matas, Mario Cuenca Sandoval, Juan Francisco Ferré, Manuel Vilas et, last but not least, Garcia Rodriguez de Montalvo et son Amadis de Gaule. Chacun de ces auteurs nous a beaucoup apporté et nous pensons que la réciproque est vraie si l’on en juge par le bon comportement de leurs romans en librairie. Les derniers en date sont Providence et La Fête de l’âne de JF Ferré, écrivain récemment récompensé par le Prix Herralde 2012 pour Karnaval.
Quel parcours doit suivre un ouvrage pour pouvoir être traduit ?
Grosso modo je dirais qu’il existe trois voies pour qu’un livre aboutisse à une traduction. Tout d’abord, celle du traducteur, c’est-à-dire une proposition spontanée d’un traducteur qui nous adresse un projet. Ce fut le cas, par exemple, de Le Voleur de morphine (El ladron de morfina) de Mario Cuenca Sandoval. La seconde voie est le fruit de discussions et de conseils d’auteurs déjà publiés chez nous : Vila-Matas qui nous conseille de lire Bellatin, Villoro, Pitol, Chejfec ou Ferré nous apportant Manuel Vilas. Enfin, la troisième voie est le résultat de nos propres recherches. C’est ainsi qu’Amadis de Gaule a paru chez nous ; mais cela vaut surtout pour les romans de la collection Short Cuts qui propose des romans américains – pour l’instant - ayant inspiré de grands films de l’histoire du cinéma. Je pense à Luke la main froide de Donn Pearce, Warlock de Oakley Hall ou Les Proies de Thomas Cullinan.
Comment choisissez-vous vos traducteurs ? Et pour les relectures ?
En ce qui concerne les projets apportés par des traducteurs que nous ne connaissons pas encore, si leur travail arrive à nous convaincre – surtout en ce qui concerne leur talent d’auteur, c’est-à-dire leur maîtrise d’un français impeccable – nous nous engageons avec eux. Sinon, la traduction est confiée aux traducteurs avec qui nous avons construit une relation de confiance depuis des années comme Isabelle Gugnon et Claude Murcia pour l’espagnol, ou Bernard Hoepffner et David Boratav pour l’anglo-saxon. Nous nous chargeons nous-mêmes des relectures.
Quelles actions pourraient favoriser la traduction de l’espagnol ?
De nombreuses actions peuvent être menées dans ce sens. Je pense notamment à la possibilité d’inviter un collège d’éditeurs français en Espagne ou dans les pays de langue espagnole pour y découvrir la production actuelle. Ce genre d’initiative existe en Argentine (Fondation Typa) où grâce à cela je me suis rendu à Buenos Aires en avril dernier pour y rencontrer les acteurs importants de la scène littéraire argentine.
Je pense aussi au soutien financier à la traduction d’œuvres espagnoles par le Ministère de la Culture espagnol. Jusqu’à aujourd’hui l’action de ce ministère fut prépondérante, surtout en ce qui concerne les traductions volumineuses comme celles de Providence de Ferré ou de Les Lances rouillées de Benet. Malheureusement, 2012 a marqué en toute logique - compte tenu de la situation économique actuelle de l’Espagne-, une cassure dans le soutien et la valorisation de cette littérature. La constitution des dossiers d’aide à la traduction est devenue extrêmement rigoriste, compliquée, tant est si bien que de nombreux dossiers ont été rejetés cette année pour de simples questions administratives. C’est consternant, surtout lorsque l’on œuvre depuis des années à la promotion de la littérature de langue espagnole. Face à cela, nous devons maintenant réfléchir à deux fois avant d’entamer un projet hispanique important.
Dans ce contexte, quelle est la place que peut occuper le projet New Spanish Books, dont le but est de faire découvrir aux éditeurs français les nouveautés éditoriales du marché espagnol ?
C’est une excellente initiative en termes de ressources et de promotion. Plus l’on multipliera les actions dans ce sens et plus on donnera sa chance à une littérature éminemment inventive et de haut niveau.
Quels sont les derniers auteurs que vous avez fait découvrir aux lecteurs français ?
Rien que pour l’année 2012 nous avons présenté trois écrivains espagnols méconnus des lecteurs français : JF ferré, Mario Cuenca Sandoval et Manuel Vilas.
Les grands connus ?
Enrique Vila-Matas, Sergio Pitol, Rodrigo Fresan, Juan Benet et Augusto Monterroso.
Les grands inconnus ?
L’Argentin Sergio Chejfec et le Mexicain Sergio Gonzalez Rodriguez
Recommandez-nous un livre…
La Fête de l’ânede Juan Francisco Ferré ou le récit déjanté des exploits d’un nationaliste basque superdingue aveuglé par sa cause. C’est puissant, intelligent et complètement surréaliste.
Et pour conclure… votre mot préféré en espagnol ?
J’aime la douceur du mot « sueño », le sommeil mais aussi le rêve ou l’illusion. Il me fait immédiatement penser à Quevedo mais aussi au caractère onirique, parfois illusoire, de notre profession.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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