Le roman de Jacobo Bergareche, Los días perfectos, est constitué de deux lettres de Luis, le personnage principal : l’une à son épouse Paula ; l’autre à Camila, sa maîtresse occasionnelle. Lesdites lettres étant fortement influencées par celles que Faulkner envoya à sa maîtresse Meta Carpenter pendant une trentaine d’années.
Luis travaille dans un journal à Madrid. Il prend prétexte de se rendre annuellement à un congrès de journalistes, dans la ville d’Austin, au Texas, pour en réalité passer trois jours en amoureux avec Camila, qui est professeure et participe à un séminaire d’architecture organisé par l’université du Texas. Mais pour cette session, la jeune femme annonce à Luis que son mari a décidé de l’accompagner et qu’ils ne pourront pas ces trois jours ensemble, comme d’habitude. Elle lui laisse même entrevoir que cela signe la fin définitive de leur liaison.
Dépité, Luis se rend au Harry Ransom Center, le centre d’archives de l’université du Texas pour y chercher des informations supplémentaires sur le Watergate afin de remplir les pages du supplément dominical de son journal. Une fois rendu à la bibliothèque, il se contente de photographier quelques documents de Bob Woodward sur ledit Watergate et demande à la bibliothécaire qui l’accueille de lui apporter le container numéro 11 des archives de Faulkner contenant, a-t-il vérifié sur internet, la correspondance qu’a entretenue le prix Nobel avec sa maîtresse Meta.
Ce qu’il découvre dans ces lettres, reproduites photographiquement dans le livre, sont en réalité le fil conducteur de ce roman, car Luis se met soudain à chercher dans cette correspondance les souvenirs heureux qu’il a vécu avec Camila, sa maîtresse et avec Paula, son épouse. Et ces souvenirs heureux que, dans ses lettres Faulkner agrémente de vignettes, dans lesquelles il dessine le déroulement de ses journées avec Meta, laissent place ensuite à une indifférence s’immisçant peu à peu sans que les amoureux la repèrent sur le moment, puis à cet ennui qui en finit toujours avec l’amour et efface ou magnifie Les jours parfaits.
Dans ses lettres à son épouse et à sa maîtresse, Luis expose la manière dont la lecture des lettres de Faulkner à Meta a complètement changé ses propres visions : la vision de lui-même, la vision de son couple, et le chemin qu’ont suivi les deux relations, celle qu’il a eue avec sa femme et celle qu’il a eu sa maîtresse. Il va plus loin et explique comment son point de vue s’est radicalement transformé, comment il a fini par acquérir un regard différent, comment l’imperfection a fini par gagner ses journées.
Si le thème de ce livre n’est pas vraiment original dans son exploration du triangle amour, indifférence, ennui, le traitement du sujet par Jacobo Bergareche est absolument original. Le lecteur ne s’ennuie à aucun moment. L’écriture est particulièrement enlevée, elle égratigne de temps en temps politiquement l’époque où nous vivons, n’économise en rien les traits d’humour récurrents et toujours à propos. L’auteur, qui est également scénariste de séries, et dont c’est le deuxième roman pour adultes, possède un véritable univers personnel parfois teinté d’un cynisme qui loin d’être amer entrouvre ses portes à l’humour. Je pense qu’il pourrait tout à fait trouver un public en France.
Pour finir, je pense important de préciser que le livre reproduit certaines lettres et vignettes inédites de la main de Faulkner, je suppose avec l’autorisation de ses ayants droit.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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