Lecteur: Svetlana Doubin
"Y el cielo era una bestia"... C'est une phrase de Thomas Pynchon, extraite de Vineland, qui vient donner son titre et son début au quatrième roman de Robert Juan-Cantavella : "El cielo era una bestia lorsque Sigur Mutt posa sa valise sur la neige." Le protagoniste de ce récit se trouve à Vor, un village perdu, afin d'honorer les volontés d'une collègue de jeunesse, du temps où ils étaient tous deux cryptozoologues. Arrivé de Hambourg, il doit se rendre "là-haut", au sanatorium, tout comme le Hans Castorp de La Montagne Magique de Thomas Mann à la recherche d'un mystérieux manuscrit, Columbkill. Le roman tout entier évolue autour du déchiffrement de ce texte, dont les récits secondaires donnent plusieurs versions. Robert Juan-Cantavella nous entraîne dans un univers peuplé de personnages étranges et fort bien incarnés, laissant la part belle au lecteur.
Les trames de Y el cielo era una bestia et de Columbkill s'entremêlent au long de sept parties, elles-mêmes composées de sept chapitres de plus en plus courts, un dispositif narratif qui sert le rythme du récit. Le style de l'auteur est inventif, distillant humour et ironie et maniant différents registres de manière nuancée. Iconoclaste, Robert Juan-Cantavella utilise savamment les procédés d'intertextualité, conférant à El cielo era una bestia une trame relevant à la fois du roman noir, de la critique philosophico-épistémologique et du cabinet de curiosités. Une oeuvre prometteuse et originale, qui gagnerait indubitablement à être traduite en français.
Deux oeuvres de Robert Juan-Cantavella ont été traduites en français, toutes deux aux éditions Le Cherche Midi : un recueil de nouvelles, Proust Fiction, paru en 2011, et un roman, El Dorado, paru en 2014, qui ont reçu un bon accueil critique.