Duna vit dans un village de pêcheurs sur la rivière, en face de la grande forêt et ses dangers. C'est une adolescente courageuse et intrépide. C’est même elle qui sauve son cousin d’une attaque de tigre. Seulement Duna refuse de se soumettre au sort que l’on réserve aux filles, même dans les familles aimantes: elle préfère s’enfuir et affronter la solitude et la jungle plutôt que se marier comme le veut la tradition. Duna devient une chasseuse hors pair. Fascinée par les tigres tant redoutés et nourrie des légendes ancestrales aussi bien que des récits des personnages rencontrés en chemin, elle poursuit jusqu’au pays des neiges sa quête infatigable du tigre blanc. Elle finira par le rencontrer sous la forme d'un démon blanc, avec qui elle s'unira et dont elle portera l'enfant. Mais Duna revient vivre avec les siens au village comme elle leur avait promis, et elle tentera de les protéger de la violence et la tyrannie des hommes de pouvoir.
Ce récit de facture classique aux multiples péripéties et personnages secondaires se déroule aux confins d'une Inde imaginaire à une époque tout aussi indéfinie. Un narrateur omniscient raconte les tribulations de Duna, tandis que la vie au village est rapportée par son petit frère. Il raconte les frasques de son cousin qui veut s'émanciper de la tyrannie des caciques malgré leur désir de vengeance depuis que Duna a fait l'affront de se soustraire au mariage avec l'un des leurs.
C'est un beau roman inclassable, où les légendes et les êtres fantastiques font vaciller les frontières de la réalité. Roman d'aventures avant tout avec son héroïne intrépide – l'auteur rend d'ailleurs ouvertement hommage aux Aventures de Tom Sawyer et au Livre de la jungle dans sa postface. C'est un roman d'initiation avec la quête de son propre destin, également un roman écologique avec un plaidoyer en faveur de la nature et les lois de la vie sauvage, mais la question sociale et celle de la gouvernance des hommes sont aussi au cœur du livre. Et dans cette histoire d'hommes et de démons, on peut se douter que les seigneurs de la jungle ne sont pas forcément les plus cruels.
Andrés Guerrero était illustrateur avant de commencer à écrire, d'où peut-être cette approche visuelle qui guide son écriture et son art épuré de la description. Le style et les dialogues sont agiles, la langue est claire. Et un souffle singulier – la magie de la forêt ? – parcourt ce récit au charme envoûtant.
Blanco de tigre a été couronné par le Premio Gran Angular 2019.