Lecteur: André Gabastou
Écrivain espagnol né en 1957 à La Corogne en Galice qui constitue la toile de fond de ses ouvrages, Celso Castro est l’auteur de plusieurs romans et collabore à diverses revues de poésie et de magazines culturels et littéraires.
Entre culebras y extraños est un roman d’apprentissage composé de deux parties et de divers chapitres qui passent de l’un à l’autre sans avoir recours à la moindre ponctuation, à la moindre majuscule, sans doute pour ne pas interrompre le flux narratif du personnage principal qui s’adresse à un tu fictif servant de chambre d’écho mais en aucun cas d’interlocuteur.
Le roman a été remarqué par des personnalités du monde littéraire espagnol, notamment par Enrique Vila-Matas qui a dit de lui : « Je considère comme un acte de justice poétique de prêter attention à la valeur de la dimension subversive de Celso Castro ». Vila-Matas qui a fait, dans son œuvre, du lecteur un personnage clé, ne s’y est pas trompé, la lecture filée du texte de Castro étant un élément essentiel de la séduction qu’il exerce.
L’adjectif « subversif » employé à propos de ce roman n’a de valeur que par rapport à son inscription dans le réel le plus immédiat. On y trouve en effet un certain nombre de composantes propres à la jeunesse d’aujourd’hui : liberté sexuelle, immaturité associée à des expériences traumatisantes, désarroi existentiel, abus de drogues illicites, familles pulvérisées, etc. Pour le reste, le récit est fidèle à la structure du roman d’apprentissage telle qu’elle a été définie par Flaubert dans L’Éducation sentimentale.
Passionné par la lecture de Schopenhauer chez qui il essaie de trouver un sens à sa vie, découvrant la sexualité et les soubresauts du sentiment amoureux avec Sofía, le héros adolescent du livre sort de l’enfance dans un monde où plane la mort : son père est mort subitement en plein repas, son oncle est mort, lui aussi, quelques années plus tôt dans un hippodrome, quant à lui, il a contracté la tuberculose et menace son entourage. Le livre décrit les avancées et les rémissions d’une maladie qui le prédestine à une mort certaine.
Victime d’une fatalité, il est déchiré entre l’urgence de vivre et la nécessité d’en comprendre la futilité.
Si les romans d’apprentissage racontent en Occident en gros la même chose, ils ne se situent pas tous sur une fragile ligne de partage entre vie et mort. Mais ils tirent tous leur valeur de l’adéquation entre le thème de départ et l’expression qui en est donnée par le romancier. Ici, la réussite est éclatante, l’auteur traduit magnifiquement les balbutiements amoureux du personnage, ses hésitations, ses révoltes, ses décisions et suscite une adhésion passionnelle à la parole douloureuse de la chrysalide malade qui s’exprime dans un espagnol tantôt châtié tantôt familier mais toujours juste. À traduire au plus vite.