Le roman s’ouvre sur de courts chapitres qui mettent en scène plusieurs personnages: la fille aux cent bracelets, le garçon à la cicatrice au sourcil, un dragon qui se réveille, le garçon aux neuf doigts et demi, et surtout le garçon invisible, ou plutôt ex-invisible. Il est à l'hôpital. Nous savons juste que « l'accident » a eu lieu quelques jours auparavant et que, pour la première fois, sa mère reste à ses côtés jour et nuit. Et, puis il y a Luna, sa petite sœur, la seule qui a un nom. Elle était aussi la seule qui pouvait le voir quand il était invisible.
Quand la psychologue de l'hôpital essaie de le faire parler, il raconte que tout a commencé avec les monstres. Ce garçon qui adore les comics et les super-héros a essayé de trouver et développer des super-pouvoirs pour leur échapper. Il s'est transformé en abeille, a respiré sous l'eau, a volé avec un dragon, puis il a fini par trouver son super-pouvoir: devenir invisible.
L'enchaînement de courts chapitres assez fragmentés ne nous permet pas alors de nous situer vraiment. C'est ainsi que d'un récit assez nébuleux aux accents parfois fantastiques, on bascule d’un coup dans la réalité la plus crue: celle du harcèlement. Celle d'un garçon doué à l'école devenu le souffre-douleur, la cible d'un bourreau puis d'un groupe qui suit aveuglément. Les engrenages et mécanismes sont impeccablement démontés, l'ensemble du puzzle se met en place. Puis, sous les yeux de ceux qui ne veulent pas voir, des moqueries on passe aux coups, à l'envie de disparaître à la vue des autres, de s'accrocher à l'univers des super-héros et à son super-pouvoir pour échapper au monde réel, jusqu'à « l'accident » dont il réchappe de justesse grâce à l'amour de sa petite sœur et au combat d'une professeure qui a su voir la réalité.
Personne ne mérite d’être invisible et personne ne devrait avoir envie de le devenir. Le message de ce roman pour adolescents est clair et s'inscrit dans une littérature abondante autour du harcèlement, en particulier à l'heure des réseaux sociaux. Invisible est d'ailleurs publié chez Nube de tinta, le même éditeur espagnol que le best-seller mondial Wonder (auquel la référence est explicite). Mais ce que l'on retiendra surtout, c'est l'originalité de l'approche du thème, la maîtrise du récit et le jeu des contrastes entre la brutalité des faits et la capacité à revisiter la réalité à travers la voix si singulière et touchante du garçon invisible qui retranscrit une perception du monde où seule la part imaginaire rend la vie supportable.
Invisible rencontre un franc succès auprès des jeunes lecteurs espagnols (15e édition à ce jour). Il est traduit dans six langues.