Daniela Costa-Pau, la protagoniste de ce livre, souffre d’une étrange pathologie : dans son enfance, elle a perdu la faculté de pleurer. Qu’elle assiste aux funérailles de son père ou qu’elle regarde un film déchirant de tristesse, elle ne verse jamais une larme, ses émotions sont totalement bloquées. Elle ne ressent en réalité ni joie ni tristesse, n’éprouve aucune empathie et ses réactions ressemblent fort à celles d’une psychopathe. Seuls deux types de situations arrivent à mettre un peu de relief dans le gouffre glacé qu’est sa vie : sa mère, en provoquant sa colère, et le sexe, qu’elle pratique de manière aussi mécanique qu’addictive. Chose paradoxale, elle exerce le métier de sexologue. À une époque où le sexe est encore tabou, elle multiplie les conférences et se transforme en une sorte de gourou médiatique qui sauve des centaines de femmes de la frigidité et de l’ennui au lit.
Le narrateur, alter ego de l’auteur, a connu Daniela Costa-Pau à l’âge de dix-sept ans, alors qu’il était stagiaire dans le journal où elle tenait une rubrique de sexologie. Contre toute attente, elle jette son dévolu sur ce garçon timide et maladroit, qui réussit à la faire pleurer. Persuadé que c’est parce qu’il est un amant déplorable, il est détrompé peu de temps après par le propre mari de Daniela qui, inquiet par l’aggravation des symptômes de sa femme, le contacte pour lui demander de l’aide et lui raconte l’enfance et la jeunesse de celle-ci, sous l’emprise d’une mère narcissique…
La mujer que no sabía llorar est une histoire très documentée, qui nous apprend aussi bien qu’un essai les mécanismes inconscients qui atrophient les émotions et à quoi, très concrètement, cela peut conduire. Écrit dans une langue simple et efficace, suivant une trame parfaitement cohérente, il est accessible à un très large public. Écrivain mais aussi journaliste spécialisé, Gaspar Hernàndez connaît son sujet et sait l’exploiter en ménageant le suspense et la tension dramatique. Il est l’auteur de plusieurs autres romans psychologiques, notamment El silenci (El silencio), prix Josep Pla 2009, qui a connu un grand succès en Espagne.
Lecteur: Alejandra Carrasco