Lecteur: Myriam Chirouse
Une mystérieuse organisation annonce qu’elle va divulguer deux textes en sa possession. Ces textes constituent les deux parties du roman de Belén Gopegui, El comité de la noche.
Dans le premier texte, Alex, hématologue sans travail revenue vivre chez ses parents avec sa fille, confie à son ordinateur des mots écrits au fil des jours, à la maison, sur un banc, dans un bar. En quête d’une connexion avec la réalité et avec les autres, ses semblables éparpillés dans la ruche du réseau, elle assiste aux réunions nocturnes d’une organisation clandestine. Réflexions politiques et intimes se mêlent : il s’agit de lutter, d’avancer. Malgré tout, la vie d’Alex semble comme en suspens, mise en veille. Mais tombe la nouvelle qu’une compagnie pharmaceutique demande à pouvoir payer les dons de sang. Le sang humain, mis sur le marché comme n’importe quel produit ? Alex et son groupe vont se mettre en marche.
Le deuxième texte raconte l’histoire de Carla. Celle-ci se présente un jour dans le bureau d’un écrivain public habitué à retranscrire les mémoires des autres et pose ses conditions : qu’il s’implique aussi, c’est-à-dire que sa narration englobe également ce qui se passe entre eux au fil des séances, les pauses, les dialogues. L’écrivain est sous le charme et le récit dans le récit commence. A la recherche d’un travail, Carla est partie travailler à Brastislava, pour un laboratoire privé spécialisé dans les produits sanguins. Elle emménage avec Michal, puis rencontre sa jeune sœur Elenka, âgée de douze ans, pour laquelle elle se prend d’une affection profonde. Mais Elenka, malade, a besoin d’une greffe de foie et n’est pas en bonne place sur la liste d’attente. Carla sollicite l’aide de son chef, Gustav. Celui-ci peut user de son influence pour sauver Elenka, mais en retour Carla doit se prêter à la machination que le laboratoire prépare pour créer une pénurie de sang. Face au dilemme (se laisser corrompre ou pas ?), Carla reçoit l’aide inattendue d’Alex et de son groupe, qui lui demandent d’espionner son chef, mais aussi les menaces d’un dénommé Stroller qui prétend agir pour le gouvernement, à moins qu’il ne s’agisse d’un espion d’un laboratoire concurrent. Prête à tout pour sauver Elenka, Carla comprend qu’elle est tombée dans le piège d’un chantage machiavélique qui va l’entraîner là où elle n’aurait jamais pensé mettre les pieds. Les rebondissements se succèdent jusqu’à la fin du récit, entrecoupés par les dialogues de Carla avec l’écrivain et les digressions de ce dernier.
Etonnant mélange de réflexions politiques et de poésie, ce roman, d’un rythme plutôt lent dans ses quarante premières pages, se lit comme un thriller haletant. Qu’elle nous confie les introspections d’Alex, nous révèle les manœuvres secrètes des laboratoires Pharmen ou nous dévoile les sentiments de l’écrivain envers Carla, la prose de Belen Gopegui tient en haleine. L’écriture est fine, précise, sensible. Les motivations des personnages sont complexes et les problématiques morales posées sans manichéisme. Un roman puissant, magnifiquement construit.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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