Lecteur: Svetlana Doubin
El metal y la escoria pourrait être le pendant paternel de Tres lindas cubanas, publié en 2006. Dans ce dernier, l'auteur retrace son histoire familiale du côté maternel en la dévoilant sous forme de saga, de chronique de voyage, d'autobiographie, de témoignage politique et d'essai littéraire. El metal y las escoria, lui, explore quatre générations. Ses arrière-grands-parents paternels sont nés peu de temps après la constitution de la monarchie politique espagnole de 1812 et la révolution d'indépendance mexicaine. Le roman s'ouvre sur le parcours de son grand-père, Emeterio Celorio, parti du petit village de Vibano dans les Asturies, en 1874, pour tenter sa chance au Mexique. Il y amassera une fortune colossale, que dilapideront rapidement ses descendants. Le récit nous entraînera dans le Madrid des années 20, dans le quartier de la Merced, à Mexico, dans le D.F. des années 70... Dans la ville provinciale de Torreon... Et de nouveau à Vibano. Voilà donc pour la toile de fond.
La trame du récit est tissée d'allers-retours entre le passé et le présent. Mais comme l'indique Gonzalo Celorio, "en dehors des expériences directes et personnelles que je raconte ici à la première personne (...), l'histoire de la famille je ne la raconte pas, je l'écoute plutôt, ou, en d'autres termes, c'est le roman lui-même qui me la raconte, à moi, son auteur." Un roman qui devient le narrateur, donc. D'où l'emploi du récit à la deuxième personne qui déconcerte le lecteur dans un premier temps : "Mais qui parle ? Et à qui ?" Au-delà des péripéties de l'histoire familiale, nous découvrons au fil des pages un auteur-personnage quasi perequien: un homme soucieux d'établir et de retranscrire des listes à partir de ce que lui raconte ce roman. "Cette énumération, tout d'abord rhétorique, est devenue dans la vie une pratique obsessionnelle : Je fais des listes. Beaucoup de listes. Des listes qui me permettraient de sauver ma vie de l'oubli, d'exorciser la perte de la mémoire, d'exercer cette espèce d'érotisme des neurones...", nous dit le personnage, victime, tout comme son frère et son père, de la maladie d'Alzheimer.
El metal y la escoria nous présente une galerie de personnages attachants et fort bien incarnés, grâce à une écriture sobre mais percutante. Ce roman se lit avec plaisir, et son auteur gagnerait à être davantage publié en France. Seules deux œuvres de Gonzalo Celorio ont été traduites en français : Mexico, ville de papier, Atelier du Gué, 2001, et Le voyage sédentaire (Prix des Deux Océans), Atelier du Gué, 1998.