Juan Carlos Rivas González est un écrivain contemporain né à Cáceres qui a fait des études de philosophie et de lettres dans sa région natale. Il vit à Corea et enseigne la littérature et la langue castillane. En l’absence d’éléments biographiques et bibliographiques, on remarque toutefois dans son texte émaillé de citations d’auteurs classiques et parfois contemporains qui tournent autour du motif de la mariposa, le papillon, la profondeur et l’éclectisme de son érudition très castiza, comme on dirait en Espagne.
Il faut dire que le livre s’y prête puisqu’il est une longue évocation de la fête taurine qui ne cesse de décliner, assaillie par les mouvements de protection des animaux et minée par les luttes intestines des plus grandes figures de la tauromachie de ce temps comme à l’époque médiévale où rivalisaient les chevaliers auxquels il est souvent fait allusion.
Ginebra, spécialiste de la poésie baroque du XVIe, est chargée par sa patronne Teresa Pradost de chercher en Estrémadure les derniers vers écrits par García Lorca. Elle a été la maîtresse de Diego Mendoza y de la Guardia, grand propriétaire et ganadero en Estrémadure dont le fils Rafael, grand matador et fin lettré, amateur d’un poète espagnol de la fin du XVIe siècle et du début du XVIIe, le comte de Villamediana, admirateur et protecteur de Góngora, auteur de grandes poèmes ésotériques, encore très honoré en Espagne, est assassiné. Dans cette Espagne si particulière où art taurin et poésie font si bon ménage, il était normal que Rafael se rapproche de Lorca, assassiné lui aussi mais pour des raisons avant tout politiques. L’assassinat de Rafael est suivi d’un second assassinat de torero, celui de Joaquín, dont on pense qu’il a été l’amant.
Le roman mêle diverses influences littéraires, le roman policier avec la figure d’Alejo Sandalio, détective de Cáceres dépressif comme le sont souvent les policiers espagnols (voir Justo Navarro) emboîtant le pas de leurs homologues nord-américains, le roman « médiéval » dont la traduction la plus contemporaine est le roman ésotérique Le Nom de la Rose d’Umberto Eco et dont El torero de la mariposa a retenu le goût de la métaphore (le papillon) et du langage codé, le roman taurin qui essaie de comprendre le goût espagnol de la fête taurine plus complexe que ne le croient les écologistes, le roman de chevalerie dont les diestros sont les derniers descendants et, si l’on ose dire en risquant un anachronisme, le roman « gay » puisque des liens passionnels excluant les femmes semblent lier tous ces personnages. Qui était l’amant de qui ? Qui a assassiné qui ? Pourquoi ? Les raisons sont si nombreuses qu’on s’y perd. Tout le personnel ancillaire ou annexe semble un peu dépassé par des problématiques qui le dépassent et qui n’avancent pas pour le plus grand plaisir du lecteur qui a hâte d’accéder à la résolution de l’énigme.
Ecrit dans un castillan parfait, maniant et entremêlant avec dextérité les thèmes évoqués, El torero de la mariposa n’accède pas comme Lorca dans sa poésie aux plus hautes cimes de la littérature et, s’il évoque avec justesse des secrets de l’existence qui mettent en jeu la vie et la mort, il ne les perce pas, toutefois il triomphe dans les limites qu’il s’est imposées. On ne peut que saluer une telle réussite qui mériterait d’être traduite sans attendre.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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