Carlos Fonseca, né à San José, Costa Rica, est titulaire d’un doctorat de l’université de Princeton. Sa thèse porte sur la littérature latino-américaine. Il a collaboré à diverses revues littéraires et a été souvent retenu comme l’un des meilleurs écrivains latino-américains contemporains. Ricardo Piglia a écrit des lignes très louangeuses sur son œuvre. Il réside actuellement à Londres et enseigne à l’université de Cambridge.
L’impressionnant roman Museo animal a hérité de la littérature latino-américaine du boom le goût de la phrase foisonnante et de Faulkner celui des entrées multiples qui déconcertent les lecteurs attirés par les structures linéaires. Mais il échappe à l’exubérance baroque de certains de ces prédécesseurs, la rigueur et la précision de sa langue rappelant plutôt celle du meilleur Borges. Comme Sebald, Fonseca émaille son texte de photos, surtout dans la dernière partie. Le roman est si riche en personnages, événements, déplacements géographiques et historiques qu’il rappelle les grands « monstres » littéraires de la littérature cubaine écrits par Lezama Lima et Guillermo Cabrera Infante. Ce qui veut dire qu’il est impossible d’en faire un résumé linéaire ou de privilégier tel ou tel épisode.
Museo animal est l’exploration d’un moment qui change tout un monde, on ne dira pas encore lequel car il est l’une des surprises de la narration. L’auteur démêle un écheveau et toutes les conséquences afférentes dans un puzzle narratif distribué en cinq romans juxtaposés.
Comme un événement peut diviser des vies, chaque membre d’une famille parfaite emprunte son propre chemin selon sa façon de réagir. On peut tout de même condenser le livre en une formule simple : Museo animal est l’histoire d’une famille et de ses désenchantements.
La véritable finalité du livre (objectif et conclusion) est de parler de l’histoire politique du monde par le biais de l’art, comme le fait l’exposition conçue par l’un des personnages.
La politique, l’art et la vie font partie d’un même nœud narratif. Les frontières se confondent, nous obligeant à repenser notre manière d’affronter l’histoire. L’art sert à désarticuler les fantaisies politiques à partir desquelles l’Amérique latine a été imaginée depuis l’étranger, l’envers du voyage de Carpentier vers l’origine, car, arrivés à la supposée origine mythique, on se rend compte qu’il n’y a qu’un jeu de masques. L’art permet de questionner la notion d’idéalité fixe. La responsabilité qui nous incombe est de savoir jouer avec ces maques.
Au milieu de l’euphorie suscitée par l’arrivée du nouveau millénaire, un muséologue caribéen reçoit de la part d’une dessinatrice de mode reconnue, une invitation à participer à une étrange exposition. Ils sont unis par l’intérêt qu’ils partagent pour le monde animal. Sept ans plus tard, l’exposition n’ayant pas eu lieu, après la mort de la dessinatrice, le muséologue récupère les archives de leur collaboration. Il comprend alors au cours d’une nuit d’insomnie et de lecture que derrière ce projet délirant se trouvent les clés pour décrypter l’histoire énigmatique de la dessinatrice : un vertigineux casse-tête global qui sera éclairci, la dessinatrice ayant accompli un épique pèlerinage politique à travers la forêt latino-américaine avec la figure du sous-commandant Marcos et son célèbre passe-montagne en toile de fond.
Á mi-chemin entre les conspirations conceptuelles de Don DeLillo et les fictions flottantes de Sebald, ce roman brillant, mais épouvantablement retors, trace par le biais de la trame policière qui enveloppe ses parties un étonnant puzzle narratif qui finit par confronter le lecteur à ce moment décisif où l’art, guidé par son irrépressible pulsion politique, étend ses limites et se risque à se transformer en quelque chose de plus que ce qu’il était : un récit sur ce qui se cache derrière les masques, d’où le rôle du sous-commandant Marcos. En dénonçant un monde qui n’est fait que de masques, les enjeux de Museo nacional se jouent en permanence entre farce et tragédie. On insistera sur l’importance considérable de ce roman si, comme dans le cas de Rodrigo Fresán, on se donne la peine de le lire jusqu’au bout.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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