Antón Riveiro Coello (Xinzo de Limia, 1964) est à mon sens le plus brillant romancier galicien. On a du mal à comprendre comment cet auteur multiprimé, auteur de presque vingt romans, qui vont du micro-récit (À l’ombre des bonzaï, 2017) au roman de plus de 700 pages (Laura dans le désert, 2011), dont certains sont traduits en espagnol, en italien et en portugais, n’ait pas encore trouvé un éditeur en France.
Son dernier opus, Jours de mauvais temps (150 000 caractères) offre une somme de récits aux thématiques imbriquées qui nous permettent de les lire comme un roman plutôt que comme un livre de nouvelles (« Un ange en marbre » ; « Troskï » ; « Une robe pour Vera Gourtélov » ; « Les filles des morts » ; « Le papillon d'argent » ; « Jour des défunts » ; « Aquarium » ; « La conduite sécurisée » ; « Les orphelins »). Il prend le lecteur aux tripes d’emblée en nous plongeant dans l’horreur du bombardement du Théâtre de Marioupol. Comment l’humanité peut-elle affronter l’horreur et lui survivre ? Telle est la question lancinante qui parcourt ces récits écrits au scalpel. Les thématiques qui taraudent la modernité tels que la fidélité, l’homosexualité, la lâcheté, la vengeance, la supplantation d’identité, l’amour des livres, la contrebande ou l’orphelinage prenne un relief singulier dans ce livre bouleversant dont la toile de fond est toujours la guerre, quel que soit le théâtre d’opérations. La guerre est en effet le révélateur qui, dans des situations limites, confronte les personnages à leurs démons mais nous montre aussi qu’ils sont capables d’héroïsme. Et moi, que ferais-je à leur place ? Qu’aurais-je fait ? ne cesse de se demander le lecteur de ces récits durs. Cette guerre qui se déroule en Ukraine ou au Vietnam, aurait pu avoir lieu ailleurs. Ce n’est pas la géopolitique qui intéresse le romancier, mais la guerre vue de l’intérieur, à l’échelle de destins individuels dévastés.
L’édition française est frileuse, s’agissant de publier des recueils de nouvelles, souvent disparates. Ce livre devrait faire exception et trouver sa place, car ce n’est pas un recueil. Chaque nouvelle est si prenante qu’elle pousse invariablement le lecteur à aller de l’avant dans ce labyrinthe d’émotions. Pourtant, malgré la noirceur des expériences humaines d’une cruauté inconcevable qui y sont relatées, la présence lancinante des enfants et des femmes, des solidarités intergénérationnelles n’exclut pas la tendresse, l’amour et l’amitié qui trouvent leur place même dans l’horreur, que ce soit sous les bombes du théâtre du Marioupol ou dans un pauvre village vietnamien occupé par les Américains pendant la guerre du Vietnam.