Le recueil Anecdotes de primera magnitud, d’Anna Molina compte vingt-quatre courtes nouvelles reliées entre elles par deux petites tasses de porcelaine qui sont un jour livrées par erreur à l’un des personnages récurrents dans l’ensemble du recueil : Cesca, qui vit avec un certain Fidel. Dans l’impossibilité de renvoyer le paquet contenant les tasses à leur expéditeur dont le nom ne figure nulle part, celles-ci deviennent une énigme. Anna Molina tire sur le fil de cette dernière pour tisser une toile d’araignée qui organise les différents thèmes du recueil : la solitude, la vieillesse, l’amour, le désamour, l’homosexualité, le temps qui passe, la famille, les relations familiales. Si les nouvelles sont indépendantes, elles sont cependant interconnectées à l’intérieur d’un réseau plus complexe, et sont en réalité des « moments » le quotidien de plusieurs personnages. Un quotidien qu’Anna Molina observe et suit à l’occasion de plusieurs paysages de ses personnages, sous différentes latitudes : à Venise, à Londres, à Lanzarote… Le voyage est aussi un des thèmes d’Anna Molina la territorialisation, les différentes coutumes, les habitudes et les façons de vivre qu’imposent les différents climats. Sans doute faut-il préciser à présent que l’autrice a depuis des années un pied en Catalogne, au Priorat où elle s’occupe de la commercialisation de vins biologiques, et l’autre au Danemark qu’elle n’a jamais plus quitté après avoir obtenu une bourse d’étude en 1996. Autrement dit, la variété des climats elle connaît, et cela devient un des thèmes récurrents dans ses nouvelles : ce qui se passe sur les terrasses de Catalogne est différent des intrigues dans les intérieurs danois. Mais aussi ce qui se passe dehors possède a parfois d’étrange rapports avec ce qui se passe dedans, comme l’a filmé Alain Fleischer. Il y a quelque chose de cinématographique dans la succession de nouvelles que propose Anna Molina et dans la déterritorialisation du quotidien qu’elles proposent.
D’une lecture agréable, il me semble que ce recueil, malgré son genre nouvelle qui rebute les éditeurs français, pourrait trouver un public en France.