Auteur : Jordi Lara
Lecteur : Serge Mestre
Le livre de Jordi Lara, Sis nits d’agost, tient à la fois du roman et du récit, voire du documentaire. On aurait presque envie de dire que c’est un roman de non-fiction. En effet, l’histoire est entièrement vraie, pratiquement rien n’y est reconstruit de la vie et de la fin de Lluís Maria Xirinacs, le philosophe catalan qui s’est laissé mourir le 11août 2007, à Can Pegot, sous la montagne de Sant Amanç, le jour de son soixante-quinzième anniversaire.
Cet intellectuel catalan présente plusieurs facettes, il est à lui seul un étrange condensé de militant pour la paix prônant comme Gandhi la non-violence, de sénateur de Barcelone, d’indépendantiste s’opposant aux conditions que la transition démocratique (après franco) impose à la catalogne, de combattant pacifiste dont l’arme de prédilection est la grève de la faim, d’homme d’église finalement défroqué et surtout de philosophe réfléchissant sur les rapports entre l’État et l’Homme.
Dans son livre Jordi Lara, manifestement fasciné par le choix conscient que fait Lluís Maria Xirinacs de mourir et d’en finir avec la lutte, tente de reconstruire, de façon littéraire, mais sans ajouts artificiels, grâce à ses investigations et aux témoignages des amis et des relations du philosophe, le chemin qui a mené ce dernier vers sa fin provoquée, consciente et voulue, autrement dit les trois jours de sa paisible agonie et les Six nuits d’août, précédant la découverte de son corps.
C’est son ami, le médecin Joan Parés, adepte du droit de mourir dans la dignité et de l’euthanasie choisie, qui accompagne Lluís Maria Xirinacs dans sa voiture jusqu’à la montagne, à l’orée de la clairière bordée de pins où il a décidé de finir ses jours. Là, le philosophe, excellent connaisseur de la respiration holotropique, parvient à modifier son état de conscience, grâce à une respiration rapide et superficielle, puis à entrer dans un état de coma qui le conduit trois jours plus tard vers la mort, sous une pluie battante. Ce dernier détail n’est pas anodin, car cet incessant orage permet que soit retrouvé, dans les trois jours suivant son décès, autrement dit la sixième nuit, son corps en excellent état de conservation, épargné par la voracité des animaux peuplant les lieux.
Le livre de Jordi Lara qui, selon son auteur, se veut un récit est en réalité un excellent roman que le lecteur a du mal à lâcher. Par-delà les opinions politiques de Lluís Maria Xirinacs – qui fut candidat au prix Nobel de la paix en 1975 –, l’homme et ses choix, qu’on est en droit ou non d’épouser, nous obligent.
L’auteur, grâce à son écriture à la fois simple, sans effet et qui se voudrait probablement neutre, peut-être blanche, mène le lecteur dans un univers qui le met, à partir des dernières étincelles du combattant philosophe que fut Lluís Maria Xirinacs, sur le sentier d’une étrange et profonde réflexion sur lui-même.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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