Eté 1950. Cinq adolescentes âgées de quatorze ans – Julia, Lola, Nina et les jumelles Marta et Olga – passent leur dernier soir ensemble dans l’institution religieuse où elles ont grandi. En guise d’adieu, elles jouent à leur jeu favori : « action ou vérité ». Le défi « action » lancé par Olga, maîtresse de cérémonie intransigeante, consiste à pénétrer dans le cagibi où dort Vicente, un attardé mental de dix-neuf ans que les bonnes sœurs ont recueilli bébé, et de lui couper une mèche de cheveu sans le réveiller. Les filles tentent leur chance l’une après l’autre. Mais quand vient le tour de Julia, la dernière à passer, les choses tournent au drame… Julia est renvoyée, les amies séparées, et le mystère quant aux évènements survenus cette nuit-là (et leurs conséquences) va projeter son ombre tout au long du livre, tel un ver coupable rongeant la conscience ou un fantôme dans un placard.
Eté 1981. Trente et un ans plus tard. Olga, à presque quarante-cinq ans, s’ennuie tellement dans sa vie d’épouse et mère de famille bourgeoise, qu’elle se distrait en espionnant celles des autres. Pour briser la routine, son mari lui suggère d’organiser un dîner de retrouvailles avec ses amies d’enfance. Sa sœur jumelle, Marta, a quant à elle renoncé à son rêve de devenir écrivain, mais connait le succès avec des guides culinaires, soutenue par son mari éditeur. Alors qu’elle se lance enfin dans un projet à elle, l’ouverture d’un restaurant, son mari lui annonce qu’il la quitte. Le dîner organisé par Olga aura lieu dans le restaurant de Marta, Media Vida, le « milieu de la vie », allusion à cette étape faite de bilans doux-amers et de nouvelles décisions. Ce 29 juillet 1981 est une journée historique : parallèlement aux retrouvailles des amies, le prince Charles et Lady Di se marient, et un terrible orage d’été s’abat sur Barcelone. Lola, enceinte, veuve de l’homme qu’elle a aimé toute sa vie, dont une grande partie secrètement, s’apprête à accepter à contre-cœur un choix sentimental « raisonnable ». Nina, bouillonnante, colorée et riant à gorge déployée, électrise l’ambiance dès son arrivée au restaurant. Quant à Julia… Avec le temps, celle-ci est devenue une femme importante, une députée communiste qui œuvre à la modernisation de l’Espagne (Franco est mort quelques années plus tôt), mais des zones d’ombre demeurent quant à son passé. Elle est en retard. Viendra-t-elle vraiment ? Aucune n’a oublié leur dernier soir chez les bonnes sœurs… Les comptes du passé seront-ils soldés ? Alors que l’orage plonge la ville dans le noir, les amies, en attendant Julia, jouent maintenant au jeu de la « vérité »…
Grâce à une architecture complexe et une écriture fluide, Care Santos attrape son lecteur dès la première page et ne le lâche plus jusqu’à la fin. Media Vida met en scène des personnages féminins attachants, auxquels on s’identifie facilement. Alternant les points de vue dans un jeu habile de flash-backs et d’ellipses, les chapitres révèlent peu à peu les personnalités, hautes en couleur, et les parcours variées des adolescentes d’autrefois, aux prises avec une société rétrograde en pleine mutation. Dans ce roman souvent drôle, aux dialogues vivants, la joie de vivre et la légèreté côtoient des thèmes plus graves, tels que la condition féminine, l’amitié, l’amour, les blessures involontaires, le poids de la culpabilité et le sens du pardon. Media Vida a obtenu le PRIX NADAL 2017. Un coup de cœur.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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