Lecteur: Delphine Valentin
Berta Vias Mahou est diplômée d’histoire ancienne et traductrice de l’allemand. Elle a traduit entre autres Stephan Zweig, Joeph Roth et Goethe, et son œuvre en tant qu’écrivain confirme cet intérêt tout particulier pour la culture d’Europe centrale et les événements qui ont marqué son histoire.
Dans Venian a buscarlo a él, Berta Vias Mahou retrace les derniers jours de Jacques Cormery, alter ego d’Albert Camus et personnage de son ouvrage inachevé, Le Premier Homme. S’inspirant d’un article où Camus évoquait les menaces de mort qu’il aurait reçues, et du sentiment de persécution qu’il décrit dans cette biographie inachevée, elle revient sur sa fin tragique dans un accident de voiture, qu’elle imagine être un attentat.
Le roman consiste en un va-et-vient temporel très bien mené entre le présent de l’écrivain dans sa dernière année de vie et les souvenirs de son passé algérois. Dans sa maison du sud de la France où il rédige Le Premier Homme, il repense à son parcours idéologique, à ses amis et ennemis, à ses déceptions, à ses amours ratées. Il est aussi hanté par un cauchemar récurrent où il se sent poursuivit par des hommes qui viennent le chercher, lui, pour l’assassiner.
Parallèlement, on suit le parcours de deux Algériens du FLN dont la mission est de mettre fin aux jours d’un grand écrivain français (non nommé) qui, en tant que représentant du parti communiste et donc possible médiateur dans le conflit franco-algérien, devient une cible à éliminer pour éviter toute négociation…
Conçu comme un puzzle dont les pièces éclatées seront enfin réunies le 4 janvier 1960, jour de l’accident, Venian a buscarlo a él est un roman à clés, semé de références à l’œuvre de Camus, aux personnages de ses romans, à ses essais (Le Mythe de Sisyphe en particulier). Éléments biographiques et recréation littéraire se donnent la main dans cette sorte d’enquête, qui permet à l’auteur de brosser un portrait élogieux et touchant d’un homme en plein questionnement, soulignant en particulier le courage qu’il a fallu à Camus pour exprimer des idées le vouant aux critiques de ses propres amis, le courage de son engagement politique. Elle y peint aussi un tableau très intéressant de l’Algérie des années 50, en pleine décolonisation, et des victimes de toutes les parties en jeu.
On retrouve ici la même délicatesse que dans Los pozos de la nieve, la même intelligence pour dévoiler le labyrinthe des aspirations et des doutes de chacun.
Kamel Daoud a connu un très grand succès avec Meursault contre-enquête, sort de recréation littéraire à partir de l’œuvre de Camus. Dans le même genre, le roman de Berta Vias Mahou ne démérite pas, mais nous arrive peut-être un peu trop tard…
Sur les thèmes de l’identité, de la mémoire, de la recréation de l’histoire, Berta Vias Mahou trace son sillon loin des modes littéraires, avec passion, intelligence et cohérence, et on espère la voir un jour traduite en France.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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