Xesús Fraga, né à Londres en 1971, a vécu dès son plus jeune âge à La Corogne, puis à Betanzos. Il a fait des études de journalisme à l’Université de Salamanque et travaille depuis de nombreuses années pour La Voz de Galicia. Parmi ses œuvres figurent des titres tels que L’Eléphant blanc, A-Z ou Saliman. Outre son métier de journalisme, ce qui a forgé son style c’est surtout son intense de travail de traducteur en galicien de livres tels que Lolita, de Vladimir Nabokov, ou Arthur & George, de Julian Barnes, ainsi que d’autres Jack Kerouac, Anne Fine, Roald Dahl, Edith Nesbit, Sylvia Plath y Robert Macfarlane, entre autres. Récompensé en 2021 par le prestigieux Prix national, son dernier roman Virtudes (e misterios) que le jury consacre « pour sa prose très soignée, l’histoire de deux générations de femmes courageuses d’une famille en des temps hostiles, et sa plongée dans une histoire de l’émigration galicienne vers l’Angleterre et l’Amérique, » qui raconte un voyage intimiste à travers la seconde moitié du XXe siècle nous promène de la campagne galicienne aux grandes mégalopoles américaines, en passant par Londres et Caracas, Buenos Aires et la République dominicaine ou l’Éthiopie. Xesús Fraga le relate en petit-fils d’un couple d’émigrés par vocation ou par accident, en reconstruisant la vie mouvementée et l’existence en butte à la solitude, au déracinement et aux questions sans réponse, de ceux qui partent en quête d’un avenir meilleur, et qui, à leur retour, ne sont pas plus les mêmes que la terre qu’ils ont quittée.
Lorsque la guerre civile éclate, Manuel quitte un village « aussi chéri que misérable dans lequel il n’y avait même pas de pommes de terre à manger ». Il traverse le golfe de Gascogne en barque et de France il s’embarque pour Buenos Aires. « Illustre analphabète », comme il aime à se définir, il gagne sa vie comme serveur dans un restaurant à côté du Río de la Plata, où, dans des conversations avec d’autres compatriotes, il rêve rêver de ce village bien-aimé et misérable. Sa fille est étudiante à l’université. En Argentine, d’autres Galiciens exemplaires se brisent les reins pour gagner leur pain. L’un d’eux est même mis au four par des boulangers envieux qui ne supportent pas le savoir-faire d’un immigré. En 1955, un cordonnier, séduit par les chants des sirènes venus du Venezuela, traverse l’Atlantique en espérant revenir dans son pays enrichi. Mais, après plusieurs années, non seulement il n’envoie pas l’argent promis, mais il disparaît, forçant sa femme à entreprendre sa propre émigration, bien que vers l’Angleterre. Décisions qui ont fini par marquer leur vie et celle de deux autres générations de cette famille d’As Mariñas, à La Corogne. Ces Galiciens sont des héros comme la grand-mère Virtudes dont le petit-fils émerveillé raconte l’histoire. Xesús Fraga nous raconte en effet l’histoire de sa propre famille, et notamment celle de Virtudes, protagoniste absolue de l’histoire, à côté de son arrière-grand-mère et de sa propre mère, sans qui rien n’aurait été possible. Des femmes puissantes, ou peut-être des êtres qui prennent simplement leur vie en main, travailleuses et anticonformistes. Des femmes pour qui l’avenir ne dépend que d’elles.
« Quand grand-mère s’est fâchée, une lueur féroce s’est allumée dans ses yeux, elle a serré les dents d’une moue sévère qui lui a relevé le menton et resserré les rides...» Ainsi commence ce livre et sa galerie de portraits hauts en couleur. Écrit à la première personne, par un journaliste talentueux, sous forme de documentaire, très visuel, très filmique, le récit mêle différents genres comme le roman ou la chronique pour offrir une fresque vitale qui touche, sans renoncer à l’humour, et propose une vision originale et inédite de l’émigration féminine à travers ces vies vécues et non vécues, l’histoire prend peu à peu forme comme un tableau nourri de sensations, de souvenirs, de photographies, que seuls le journal d’une mère et la voix de témoins peuvent raconter. Un travail qui se prête à de nombreuses lectures et ouvre de nombreuses voies au cours desquelles l’auteur nous promène comme s’il s’agissait des lignes du métro de Londres, la ville autour de laquelle gravitent les personnages du roman. Il y a quelque chose de Dickens dans ce récit si savoureusement écrit qui en fait un roman entraînant, plaisant, pour tous publics.
Thierry Clermont est journaliste au Figaro littéraire depuis 2005. Il a été membre de la commission poésie du Centre national du livre....
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Diplômé de l'École Normale Supérieure et spécialiste des lettres modernes, de l'espagnol et de l'anglais, Clément Ribes....
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